Comment sortir d'un trouble post-traumatique?

Suite aux événements tragiques survenus à Paris vendredi 13 novembre 2015, je pense qu'il est important que je vous fasse part d'un outil très performant pour soigner ce que l'on appelle le trouble post traumatique.

 

Ce sont les témoignages très frappants des victimes de l'attentat qui me poussent à écrire cet article, notamment celui d'une jeune femme qui avouait au journaliste qui l'interrogeait qu'elle n'osait plus sortir de chez elle, qu'elle avait peur dans la rue et partout où elle allait. Cela est malheureusement normal. Mais, vous allez me dire que c'est parce que les événements vécus sont récents et qu'avec le temps la peur disparaîtra. Dans certains cas, oui. Cependant dans d'autres, la peur restera même des années après. 

  

Les personnes qui vivent un stress post traumatique sont donc assez vite isolées. Au début, les proches et les soignants éprouvent beaucoup de compassion et soutiennent les victimes. Mais après quelques mois, le drame de ce trouble causé par l'événement traumatique est que les autres pensent qu'il s'est résorbé alors qu'il n'en est rien. Tout ce qui va rappeler à la victime le moment du trouble va la remettre  dans un état émotionnel identique à celui qu'elle a vécu. Ainsi dans l'exemple de cette jeune femme qui témoignait après les attentats, la peur peut rester dans le simple fait de sortir de chez elle et d'entendre des bruits suspects ou de voir une personne qui ressemble aux agresseurs. Son corps reste en état d'alerte pour la protéger. Le problème, c'est que cette protection est déréglée et donc inappropriée par rapport à la situation.

 

Si l'on pouvait faire une comparaison, la différence entre la personne pour qui l'événement tragique est digéré et celle qui en subit encore les séquelles des années après est comme la différence entre quelqu'un qui a un rhume qui part tout seul et qui ne nécessite pas d'antibiotiques et quelqu'un qui a un rhume qui s'aggrave et se transforme en bronchite ou en rhino-pharyngite. Dans ce dernier cas, les antibiotiques s'imposent. Malgré les anti-douleurs et les divers sirops, le mal ne part pas. Pourtant, ces maladies se ressemblent.

C'est la même chose entre les personnes qui se remettent d'un choc naturellement ou avec quelques séances de psychologie où parler leur fait du bien et entre les personnes pour qui les séances chez un thérapeute n'apporte pas l'apaisement durable recherché. Les conséquences sur ces deux sortes de personnes se ressemblent mais la façon de les soigner diffère. En effet, si on continue de soigner quelqu'un qui a une rhino-pharyngite avec des antalgiques classiques, cela va la soulager un temps mais ne va pas la soigner durablement. C'est la même chose pour une personne souffrant d'un syndrome post-traumatique : les séance de psychologie la soulage mais ne la soigne pas.

 

Qui n'a pas vu d'émission ou ne connaît pas malheureusement une femme victime d'un viol qu même des années après n'arrive pas à retrouver une vie amoureuse normale? Ou une personne victime d'un hold-up dans le cadre de son travail et qui a toujours peur que ça recommence? N'avez-vous jamais entendu les témoignages des victimes des camps de concentration ou de soldats revenus de la guerre pour qui le simple bruit qui ressemble à un fusil, à des bombes ou au bruit d'un train les remet dans un état de peur difficile à comprendre pour nous? Certaines personnes s'en remettent et d'autres sont touchées plus profondément. Nous sommes tous différents et avons des résistances plus ou moins fortes et le trouble post traumatique ne se déclenche pas chez tout le monde face à un même événement. 

 

Ce trouble ne se déclenche pas d'ailleurs que dans ces cas gravissimes mais peut être vécu dans des cas plus courants mais non moins graves pour la personne qui les vit : une humiliation vécue petit avec une personne ayant autorité sur nous, l'abandon de son compagnon ou de sa compagne, la perte non prévue de son travail, la mort d'un proche, un divorce, un accident de voiture... Dans ces cas-là, on y pense, on en parle, on lit des livres et des articles sur le sujet. Mentalement, tout va bien : on comprend ce qui se passe, à quoi c'est dû et on pense que ça passera avec le temps ou en s'éloignant de ce qui a causé le trouble : on souhaite changer d'école, retrouver un compagnon, du travail etc. Mais une fois que c'est fait, la peur de l'humiliation, de l'abandon ou du chômage reste poignante. L'événement n'a pas été digéré et vous restez coincés.     

 

Alors comment faire si vous souffrez d'un trouble post traumatique?  Ce qui se passe en fait, c'est que même si l'événement est passé mentalement, la mémoire émotionnelle, elle, reste. Il convient donc de réussir à gommer ce souvenir émotionnel et non le souvenir mental (ou cartésien si vous préférez) dont vous vous êtes déjà occupé. C'est pour cela que même après des années, les émotions demeurent très fortes (la peur notamment). La technique qui a fait ses preuves dans le traitement de ce trouble, puisqu'elle permet d'effacer de la mémoire émotionnelle les éléments non utiles dans la leçon qu'un événement douloureux apporte, s'appelle l'EMDR ("eye movement desensitization and reprocessing" en anglais et qui signifie "désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires").

Ce mécanisme a été découvert en observant les mouvements oculaires des personnes durant leur sommeil. Des allées et venues des yeux de gauche à droite lors d'un rêve auraient la capacité d'effacer l'événement traumatique revécu émotionnellement pendant la nuit. En pratiquant l'EMDR sur un patient, le thérapeute efface la mémoire émotionnelle douloureuse en recréant ces conditions. 

 

Je tiens à préciser que cet article est différent des autres dans le fait que vous ne pouvez pas pratiquer cette technique seul. C'est pour cela que je ne rentre pas dans les détails de sa mise en place. Cela n'est pas intéressé parce que je ne suis pas personnellement formée pour cela. J'ai juste constaté ses effets grâce aux témoignages de collègues qui la pratique et de ceux présents dans le livre Guérir du docteur Servan-Schreiber que je vous recommande si vous souhaitez vous renseigner sur le sujet.

 

Donc, si vous souffrez d'un trouble post traumatique, recherchez un praticien qui a été formé à l'EMDR et non un simple psychologue tout comme si vous avez les dents de travers il faut un orthodontiste et non un simple dentiste.  


Objectif :

Vous l'avez compris, ce ne sera pas moi qui testera l'outil cette semaine. La raison en est simple, je n'ai pas vécu personnellement d'événement causant de trouble post-traumatique. L'objectif premier était de vous renseigner suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris pour que les victimes, une fois que l'appareil médiatique sera passé outre et que les personnes souffrants encore de peur malgré l'absence de danger sachent qu'il existe une solution. 


Je vous donnerai la semaine prochaine les témoignages sur lesquels je me suis fondée pour vous montrer l'efficacité de l'EMDR. Bien sûr, les noms des patients de mes collègues seront changés pour qu'ils puissent garder leur anonymat.


A la semaine prochaine!


Voici trois témoignages de patients et de médecins ayant été confrontés aux résultats de l'EMDR :

 

Histoire de Maggie :

Maggie, une femme de 65 ans apprit par son médecin qu'elle était atteinte d'un cancer grave et qu'il ne lui restait que peu de temps à vivre. Lorsqu'elle confia cette triste nouvelle à son mari, il fut pris de panique pour avoir déjà vécu cette situation avec sa première femme. Ne voulant pas revivre cette situation douloureuse, il quitta sa femme du jour au lendemain. Hélène en garda le souvenir d'un abandon subi. En plus du cancer, elle développa une dépression à cause de cela. Mis au courant par des amis, son mari se rendit compte de la cruauté de son acte et décida de revenir pour la soutenir. Mais Maggie avait été tellement choquée par cette façon de se comporter qu'elle continuait à avoir peur qu'on l'abandonne, que ce soit son mari et d'autres proches. Pourtant, ce danger avait été écarté et elle n'avait plus de raison de s'inquiéter. Elle ne dormait plus, faisait toutes les nuits le cauchemar de la scène d'abandon, elle ne supportait plus d'être séparée de son mari même quelques minutes. Il ne pouvait plus sortir une heure sans qu'elle ne ressente un stress horrible. Le plus dur était qu'elle aurait souhaité profiter des quelques mois qu'il lui restait à vivre pour faire tout ce qu'elle aurait aimé faire avant de partir et ce stress gâchait considérablement ses derniers instants. Elle fut mise au courant de l'existence de l'EMDR par les journaux et contacta une spécialiste qui pratiquait l'EMDR.  Au début de la séance, elle eut beaucoup de mal à évoquer le souvenir de son mari l'abandonnant, étant prise de panique et revivant la scène comme si elle y était. Petit à petit, la thérapeute parvint à lui faire revenir les images les plus douloureuses de la scène et il lui demanda en même temps de suivre sa main qui se déplaçait de droite à gauche avec ses yeux. Elle récréait ainsi les mouvements oculaires que l'on fait la nuit pour effacer les émotions liées à des événements traumatisants. Cette étape était très difficile car la peur se lisait sur son corps : son cœur battait très vite, elle tremblait, elle avait mal partout. Puis, à peine quelques minutes après une autre série de mouvements oculaires, son visage changea d'un seul coup. On voyait qu'elle était très surprise que la peur se soit effacée ainsi. La thérapeute continua les séries de mouvements oculaires et là, elle souriait. A la fin de la séance, la thérapeute lui demanda comment elle allait et comment elle voyait maintenant la scène du départ de son mari. Elle lui avoua qu'elle n'avait plus peur et se disait que s'il n'était pas capable de faire face à son cancer c'était son problème et non le sien. Le thérapeute continua même le travail pour l'aider à gérer sa peur de la mort vis-à-vis de son cancer. 

Exemple d'une patiente donné en vidéo par une psychologue californienne nommée Francine Shapiro lors d'un congrès médical 

 

Témoignage du docteur Servan-Schreber qui a assisté à la vidéo précédente :

" Pendant tout ce temps, le scientifique en moi me murmurait continuellement à l'oreille : "ce n'est qu'une seule patiente. Peut être est elle particulièrement suggestible ? ça peut très bien n'être qu'un effet placebo. " Mais le médecin en moi répondait : " peut-être, mais des effets placebos comme celui-là, j'en veux bien tous les jours chez mes patients. Je n'ai rien vu de pareil. "

 Ce qui a fini par me convaincre, c'est une étude menée sur le traitement par l'EMDR de quatre-vingt patients présentant des traumatismes émotionnels importants. Elle avait été publiée dans l'une des revues psychologique clinique les plus pointilleuses en matière de méthodologie et de rigueur scientifique (Wilson, S.,L. Becker, et al. 1995, "Eyes movement desensitization and reprocessing treatment for psychologically traumatised individuans ",  Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol.63, p.928-937). Dans une étude, 80% des patients ne montraient quasiment plus de symptômes après trois séances. C'est un taux de guérison comparable à celui des antibiotiques pour la pneumonie. Je ne connais aucune étude de quelque traitement que ce soit en psychiatrie, y compris des médicaments les plus puissants, qui ait fait état d'une telle efficacité en trois semaines. Naturellement, je me disais qu'il était inconcevable qu'un traitement qui marche aussi vite ait des résultats durables. Mais lorsqu'on avait interviewé le même groupe de quatre-vingt patients quinze mois plus tard, les résultats étaient encore meilleurs que tout de suite après les trois séances. "

Guérir le stress, l'anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Servan-Schreber David.

 

Victimes de guerre :

Un couple d'européens avec un enfant de huit ans vivaient à l'étranger depuis longtemps. Ils furent malheureusement les témoins d'une guerre civile qui envahit le pays. Ils n'eurent pas le temps de fuir avant que leur maison soit attaquée. Ils réussirent à cacher leur petit garçon sous un lit mais n'eurent pas eux-mêmes le temps de se cacher. Ses parents furent abattus devant ses yeux.  L'enfant fut rapatrié en France chez un oncle grâce à une association. Il vivait cependant dans un très haut état d'anxiété. Il avait peur en permanence d'être attaqué chez lui, n'arrivait plus à sortir de sa maison et revoyait sans cesse ses parents mourir dans ses cauchemars. Son oncle prit rendez-vous chez un thérapeute qui avait été formé à l'EMDR. Lorsqu'il dut revivre la scène passée, l'intensité des émotions était très forte. Pourtant, dès la première série de mouvements oculaires, il ne semblait plus bouleversé. Il était toujours triste, mais il ne ressentait plus de peur panique l'empêchant d'avoir une vie normale. Il était capable de repenser à l'attaque et au meurtre sans en être bouleversé. La rapidité de la guérison était due à l'âge peu avancé du patient.    

Témoignage d'un collègue psychologue

 

   

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